L’ÉVOLUTION DE L’ERGONOMIE DANS LA CUISINE

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Quelles sont les origines de l’ergonomie de la cuisine? Pourquoi utilisons-nous le fameux « triangle » comme référence de base dans le design d’une cuisine? Pourquoi les cuisines sont-elles conçues ainsi? Ceci semble simple, mais la tâche de décortiquer le cœur de la maison peut être assez difficile, car il est important de bien saisir chaque détail pour pouvoir créer un espace réellement fonctionnel et agréable. Il n’existe pas de recette secrète puisque chaque maison est différente et que chaque ménage à ses propres besoins spécifiques. Par contre, il existe beaucoup d’outils pour bien préparer la planification. Revoyons, ensemble, quelles sont ces femmes, qui historiquement se sont penchées sur ce défi qu’est l’ergonomie.

Historiquement, les cuisines en Europe et en Amérique étaient sombres, mal ventilées et à l’écart de la vie active. Vers la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, la cuisine a suscité l’intérêt des architectes et des grands manitous de l’art ménager. La cuisine est devenue une préoccupation du mouvement moderniste, ce qui a engendré un changement radical. La perspective d'une cuisine en lien avec le reste de la maison est une nouveauté. Trois femmes ont particulièrement influencé et révolutionné la façon de voir la cuisine moderne, Erna Meyer, Christine Frederick et Margarete Schütte Lihotzky. Ces femmes ont non seulement participé à notre façon de concevoir la cuisine, mais elles ont aussi favorisé un monde plus égalitaire.

Erna Meyer

Ingénieure, fut la première femme qui analysa les gestes quotidiens et fit l’étude des mouvements reliés à certaines tâches ménagères. Ces réflexions ont permis une standardisation dans la conception des hauteurs de comptoirs, armoires, tables, etc., pour faciliter les corvées des femmes.

Christine Frederick

Auteure de plusieurs livres, incluant le tome influent The New Housekeeping (1912), a introduit la notion « d’économie de pas ». Pour mieux comprendre les gestes dans la cuisine, elle a réalisé un test avec un fil pour calculer scientifiquement la distance parcourue par une cuisinière. Le résultat révèle qu’il existe un lien direct entre la disposition des armoires et le temps passé dans la cuisine. Elle démontre qu’en ayant les équipements distants dans l’espace, la ménagère est obligée de marcher dans tous les sens. En rapprochant les équipements en fonctions de la succession des tâches, les parcours sont écourtés et la fatigue épargnée. Féministe, elle s’est inspirée de théories existantes pour analyser la fluidité dans un milieu de travail qu’elle a ensuite appliqué aux sphères domestiques. Une telle application de théories scientifiques dans un cadre domestique était révolutionnaire!

Margarete Schütte-Lihotzky

La première femme architecte autrichienne, elle est associée dès ses débuts à la construction de l’habitat sociale à Francfort et se consacre à la rationalisation de l’espace domestique. La Cuisine de Francfort, tel qu’elle est connue, a été dessinée comme un laboratoire ayant comme but l'amélioration et l’efficacité du travail de la femme, tout en offrant un espace organisé, hygiénique et fonctionnel. À l’époque, l’habitation se résumait  à une pièce unique pour tout faire, un fourneau dans un coin qui évacuait la buée et rendait l’espace humide et non hygiénique. La solution, selon Mme Schütte Lihotzky, était d’isoler la cuisine et d'inclure un manteau de cheminée pour absorber la vapeur. Les meubles étaient resserrés autour du corps de la ménagère. Pour la première fois, l’on intégrait les meubles à l’architecture. Préfabriquée, compacte et réfléchie, la cuisine de Francfort est l’ancêtre de nos cuisines intégrées d’aujourd’hui. Sobriété de lignes, absence de tout ornement, volumes cubiques, espace lisse, la cuisine de Francfort reflète les principes du mouvement moderniste. Chaque détail dans la cuisine répond à une fonction précise et rien n’a été laissé au hasard. Selon Mme Schütte Lihotzky, l’organisation spatiale est un facteur d’autonomie et d’émancipation des femmes. En réduisant l’espace, l’efficacité est maximisée et la femme aura plus de temps libre pour loisirs et repos. Ceci est la logique de Mme Schütte Lihotzky et devient son but ultime dans la conception de la cuisine. La cuisine de Francfort a été installée dans plus de 10 000 logements et est considérée comme étant la première cuisine standardisée.

Le triangle de travail

Le triangle de travail tel que nous la connaissons aujourd’hui a été développé en 1950 par l’Université Cornell à Ithaca NY. Les notions de Christine Frederick et Margarete Schütte-Lihotzky ont été approfondies et un triangle important a été déterminé entre les surfaces de rangement, préparation et nettoyage. L’idée générale est de réduire l’espace entre le réfrigérateur, le four et l’évier pour réduire le nombre de pas et améliorer les gestes pour une plus grande efficacité.

L’ouverture de la cuisine sur les autres pièces

Dans les années 50 en Europe, la femme se trouvait très à l’étroit, confinée à passer plusieurs heures isolées dans une pièce exiguë et sans clarté à effectuer les tâches domestiques. De là est né le besoin d’ouvrir la cuisine sur les autres pièces dans le but de soustraire la femme de l’isolement et de favoriser la participation de la maisonnée aux tâches ménagères. Mais malheureusement, cette fonction demeurera le fief de la femme pendant quelques décennies.

« La cuisine américaine » 1960

Une révolution dans la façon d’intégrer la cuisine dans l’aménagement globale de la maison. Ouverte, sur la salle de séjour la cuisine américaine devient un nouveau concept introduit dans les années 60 soutenues par le progrès technologique. La maîtrise des odeurs et de la buée grâce à des électroménagers performants permet d’ouvrir la cuisine sur la pièce de séjour. L’introduction de l’îlot dans la conception de la cuisine, la suppression des murs reflètent un renouveau dans la façon de vivre le quotidien. Cette mutation transforme la cuisine fonctionnelle en pièce à vivre. Depuis, il est fascinant de voir à quel point la cuisine a fait l’objet de multiples transformations technologiques au cours des dernières décennies. De l’électroménager à la quincaillerie, on ne cesse de pousser les limites de l’imagination, toujours dans un seul but : simplifier et augmenter notre efficacité dans la cuisine. En 2016, on ne parle plus de tâches domestiques lorsque l’on mentionne le mot : CUISINE. On parle du cœur de la maison, de LA pièce centrale où se côtoient travail et plaisir dans un environnement sans compromis. Dédiée à l’ensemble de la famille, la cuisine a réellement pris la place qui lui revient. Un centre névralgique où s’emmêlent plaisir, odeurs et convivialité.

« La cuisine n’est plus une pièce où l’on se retrouve par nécessité, mais par plaisir. » Terence Conran.

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